Conseil de Métropole du 9 février 2015 : notre intervention sur le projet métropolitain
[Conseil métropolitain du 9 février 2015 - Débat sur le projet métropolitain - Intervention de Cyrille MOREAU, Président du groupe des élu-es écologistes]
Monsieur le Président, cher-e-s collègues,
Nous sommes réuni-es aujourd’hui dans le cadre de notre premier Conseil métropolitain.
Les élu-e-s écologistes ont manifesté leur soutien à la création de la Métropole considérant que c’est l’espace pertinent pour organiser la vie et les activités de nos habitant-e-s à l’instar du rôle joué par les communes avant le développement massif de la mobilité.
Quelle démocratie, avec quels outils ?
En passant en Métropole, notre agglomération s’est vue confier par le législateur des compétences renforcées ou nouvelles : urbanisme, voirie, énergie, qui vont contribuer à une organisation plus efficace de notre territoire en économisant les ressources naturelles et financières.
Cependant, le législateur n’est pas allé au bout de la démarche et notamment sur un point majeur : la gouvernance. Il aurait dû renforcer la légitimité démocratique de la métropole en instaurant l’élection au suffrage universel direct de ses représentant-es. Il est en effet dangereux d’affaiblir progressivement les communes au profit des métropoles sans que les électrices et électeurs n’aient la possibilité de faire connaitre leur appréciation des politiques menées.
Dans l’attente du législateur, nous avons la responsabilité de développer la métropole en lien systématique avec les citoyen-es, en s’appuyant sur des méthodes et des outils de participation, concertation, co-production à toutes les échelles, sur les grands projets comme sur ceux qui impactent le quotidien direct des habitant-es.
Quelle stratégie économique et sociale ?
Nous sommes aujourd’hui amenés à débattre sur le projet métropolitain pour les dix prochaines années, document utile qui permet d’ouvrir le débat sur le projet que nous souhaitons porter ensemble et d’offrir une meilleure lisibilité de nos orientations aux habitants et acteurs économiques de notre territoire.
De nombreuses propositions formulées par les élu-es écologistes dans leur "Contribution pour une Métropole durable" remise au Président en novembre 2014 ont été reprises, sans pour autant que cela n’en fasse un projet d’écocommunauté.
Plusieurs sujets restent à clarifier à l’image du rapport de notre métropole à la « croissance ».
Ce document met à plusieurs reprises l’accent sur l’enjeu de croissance et la place de notre territoire dans la mondialisation. Nous pensons que c’est une erreur.
Non seulement la croissance décline au fil des décennies au fur et à mesure de l’épuisement des ressources naturelles et des mutations des systèmes productifs, mais de surcroît elle agit en trompe-l’œil d’une prospérité de plus en plus virtuelle.
D’ailleurs, c’est le paradoxe, le document soumis à notre débat le souligne très bien dans ces termes : « Le progrès n’est plus, comme dans les trente glorieuses, réductible à la croissance et surtout celle-ci n’est plus réductible à l’expansion ».
Nous partageons cette vision pour la Métropole qui ne doit pas être un territoire dédié à la compétitivité mais aux progrès sociaux et environnementaux.
Le risque est de céder aux sirènes de la mondialisation en mobilisant l’essentiel de nos moyens en faveur d’un développement exogène.
Ce serait une erreur car, comme le rappelle l’excellent documentaire, actuellement en salle à l’Omnia « Le prix à payer », les multinationales se sont organisées pour ne pas payer l’impôt sur plus de 75% des profits générés par les échanges internationaux.
Dans ce contexte on peut sérieusement s’interroger sur la soutenabilité d’une « croissance » dont le territoire qui en est à l’origine ne reçoit pas en retour sa juste part d’impôt indispensable au maintien de sa cohésion sociale et par conséquent de sa compétitivité.
C’est pourquoi, si nous soutenons la volonté de préserver l’industrie et la logistique de notre territoire en favorisant leur mutation vers les technologies vertes, nous pensons que l’avenir de notre territoire est avant tout dans sa capacité à diversifier son tissu économique.
Quelle diversification économique ?
En premier lieu, le développement du tertiaire et en particulier du tertiaire supérieur qui souffre d’un grave retard sur notre territoire, expliqué par l’insuffisance et l’inadéquation de l’offre de bureaux et un déficit d’image dans ce domaine. C’est indispensable si nous voulons pleinement jouer notre rôle de Métropole et permettre aux jeunes qui effectuent des formations supérieures de rester sur notre territoire.
Cette ambition se traduit dans le projet Seine Cité initié avec le quartier Luciline et qui se poursuivra avec le quartier Flaubert et de la nouvelle gare.
Nous soutenons pleinement cette démarche, en appelant cependant à la plus grande vigilance quant au positionnement de la zone d’activités de la « Plaine de la ronce » qui pourrait être amenée à retarder, voire à empêcher l’émergence de ce grand pôle tertiaire.
Nous avons également un gisement très important d’emplois dans le tourisme par la mise en valeur de notre patrimoine naturel et architectural.
Est-il nécessaire de rappeler qu’à partir du moment où nous avons identifié du foncier en reconversion de friche, la pérennité de l’industrie et de la logistique n’est en aucun cas menacée par le développement du tourisme ?
Enfin, nous devons développer une véritable stratégie de développement endogène basée sur la qualité de notre cadre de vie et les richesses de nos échanges sociaux.
Le développement endogène, basé sur une économie locale et de proximité recouvre un très grand nombre de secteurs dont le potentiel est à ce jour sous-évalué : services aux personnes et aux territoires, production d’énergies renouvelables et rénovation thermique, utilisation d’éco-matériaux, organisation des acteurs en circuits courts et économie circulaire, économie sociale et solidaire et économie culturelle, soutien à l’innovation des TPE et PME et bien d’autres choses.
Dans quel cadre de vie ?
Pour qu’elles puissent se développer ces filières ont besoin d’une stratégie claire, d’un accompagnement public et d’un environnement favorable que l’on pourrait résumer à la qualité du cadre de vie :
- la capacité que nous avons à offrir un environnement plus sain, en réduisant les expositions aux pollutions de l’air, de l’eau, sonore et technologique, mais également préservé, en protégeant nos paysages, nos forêts, nos terres agricoles et notre biodiversité ;
- un espace mieux aménagé dans lequel les ménages ne sont pas contraints à s’exiler dans le périurbain où ils s’exposent à la précarité énergétique, mais un territoire dont l’articulation en lieux d’habitat, de travail et de loisir est bien articuler par une offre de transport collectif et des infrastructures pour les modes actifs performantes ;
- un territoire qui réduit ses impacts en allant vers le zéro déchet ultime ou organise la production et la distribution de l’énergie à un prix maitrisé, les deux enjeux pouvant être liés.
Tout cela est dans le projet métropolitain et c’est favorable, même si on pourrait aller encore plus loin.
Quel choix d’avenir ?
Reste que l’on y trouve également un projet en total contradiction, le contournement routier de Rouen.
Il n’est pas anecdotique avec un coût de 1,1 milliards d’euros, soit l’équivalent de 11 lignes de Teor !
Il correspond à un modèle économique archaïque basé sur le pétrole, très loin de la nécessaire mutation de notre industrie et logistique vers les technologies vertes.
Il constituera un facteur majeur d’étalement urbain, en contradiction avec notre ambition de mieux aménager notre territoire et d’améliorer son cadre de vie et surtout il risque d’assécher les capacités d’investissement de notre territoire au détriment d’autres projets essentiels à son développement.
Notre groupe appelle à la clarification de nos orientations stratégiques et à dépasser ce projet d’infrastructure qui fait peser une épée de Damoclès sur le projet de développement soutenable esquissé dans ce document.
Je vous remercie.
Cyrille Moreau, Président de groupe